jeudi 26 avril 2007

Suzy : tu

Ton sourire te rend beau, te fais aimer la vie, montre ta liberté. Tes yeux, très brillants, qui sont illuminés par les rayons du soleil, disent « je t’aime ». Tes mots, très doux, montrent que tu es magnifique. Tu sens que tout est joli, tu te dis à toi-même que tu voudrais faire en sorte que tous les gens aiment la vie. Sur la mer, tu sens la solitude, tu regardes tout au fond, tu dis que tu voudrais aller voir ce qu’il y a derrière. Tu t’allonges sur le sable, tu te souviens des beaux jours avec ta belle amie, tu pries pour que vous restiez ensemble. Tu sens la chaleur, tu bois du jus de fraises, tu dis que c’est très bon. Le vent est frais, tu es content d’être tout seul sans le bruit des villes, sans personne qui te dérange. Tu commence à chanter ta chanson préférée, tu es à l’aise. Tu regardes les pigeons, tu entends leur roucoulement que tu aimes bien.

Suzy

Sinisceucle : tu

Tu arrives, tu trouves la porte ouverte, tu essaies de rentrer sans faire de bruit, tu entres, tu refermes la porte, tu regardes à gauche, à droite : il n’y a personne. Tu commences à t’inquiéter, tu soulèves ta tête, tu vois l’infini. Tu regardes en bas, tu vois le sol et la souffrance. Tu t’approches de l’escalier, tu le montes pas à pas. Ton arrivée se fait sentir, mais c’est impossible de l’exprimer. Enfin tu t’approches de la porte de la chambre. Une fois la porte ouverte, tu es près d’une personne dont tu soulages les chagrins par ta présence.

Tu es inquiète ; tu as l’impression de faire peur aux meubles de la chambre. Des larmes affleurent dans tes yeux, tu respires de plus en plus en fort, tu t’immobilises…

Il fait jour. Les petits rayons lumineux entrent par le rideau, illuminent ton visage, puis tombent sur les yeux d’une personne très proche de toi et l’empêchent de dormir. Maintenant c’est le pire : il est l’heure, le reveil sonne, tu fais semblant de ne pas entendre. Mais tu es oblig ée de te lever. Tu te lèves doucement pour ne pas réveiller celui qui est près de toi. Dans ton visage se lit la paresse, l’envie de rester endormie avec cette personne… tes os, tes lèvres tremblent , on entend les craquements de tes dents. Enfin, tu as froid…


SINESEUCLE..



Alamata Fiv : tu

Tu es assise sur le tabouret de la cuisine. Tu trembles, tu as froid. Tes yeux sont fixés sur le feu de la cheminée. Tu te lèves, tu te diriges vers la cheminée et tu poses tes mains au-dessus du feu. Tu as froid toujours. Tes mains frémissent du vent qui passe à travers les trous de la porte. Tu as le vertige. Tes yeux tournent et ta tête aussi. Les poils de tes mains deviennent de couleur bleue, ton corps se transforme en une rivière de feuilles mortes. Tu te lèves et tu cours dans la cuisine qui te semble un tombeau, tu ouvres l’armoire et tu prends un médicament. La pastille ne passe pas dans ton œsophage pendant quelques minutes, tu te sens étranglée et les mots se nouent dans ta gorge. Au bout de quelques minutes, tu allumes la télé, tu regardes les infos : le bombardement de la grande ville te fais peur. Tes poumons s’étranglent, tu ne peux plus respirer, tu as besoin d’un grand repos pour monter dans le paradis des sentiments. Tu poses ta tête sur le coussin, tu t’allonges sur le canapé, tu t’amuses à contempler les étoiles et leur lumière qui passe à travers la vitre et te perce les yeux. Tu retiens quelques sourires sur tes lèvres, tu n’oses pas les montrer de peur que le vent ne vienne et te les vole. Tu as besoin d’un corps auprès du tien qui viendrait te caresser, te rendre joyeuse et mettre fin à cette longue solitude comme les arbres dénudés.

Mc lili : tu

Tu es là, assise sur ta chaise roulante. Tes mains tremblent comme deux feuilles mortes en automne. Tu regardes le monde autour de toi, mais tu ne vois que l’obscurité qui t’entoure, la froideur des nuits sombres qui ont enlevé la joie qu’on trouvait chez toi, et effacé le sourire qu’on avait l’habitude de voir sur tes lèvres. Maintenant, te voilà seule, en train de te demander pourquoi ils t’ont abandonnée malgré toute la tendresse et tout l’amour que tu leur avais offert. Tu as appris maintenant qu’ici personne ne mérite la moindre petite attention. Tu rêves du jour où tu trouveras la clé cachée, où une nouvelle route apparaîtra, une nouvelle vie, un monde dans lequel tu vivras en paix, où le soleil ne cesse de briller, et où toi seule règneras et deviendras la reine de ce royaume immense. À chaque battement de ton cœur, tu te dis : « voilà une seconde de ma vie qui est déjà passée ».Tu es toujours désespérée, et tu attends toujours avec impatience le jour où tu vas nous quitter. Les jolis mots ne savent plus sortir de ta gorge, tu es tellement déçue et triste que tu ne veux même plus parler et discuter. Tu n’oses plus rencontrer quelqu’un, tu es effrayée qu’encore une fois ils te trahissent. Maintenant tu n’as qu’une seule idée en tête, c’est que tu as envie de t’isoler pour toujours, et que plus personne ne te demande plus rien.
Cette fois-ci, tu es allongée. Tes yeux noirs sont refermés, ton corps est bleu et glacé, ton cœur épuisé s’est laissé emporter et a cessé de fonctionner. Ta tristesse commence à s’envoler et ta joie est en train de réapparaître. Tu es pressée d’y arriver, là bas, à l’endroit dont tu as toujours rêvé. C’est là que ton sourire se redessine sur tes lèvres. Maintenant tu as trouvé la clé que tu recherchais depuis plusieurs années. C’est ainsi que tu plonges dans un sommeil éternel.

Je ne te revois plus jamais.

Medmori Hebad : tu


Tu es dans ta chambre, assis à table, tu scrutes la rue au loin à travers la fenêtre. Vacarme. Soleil. Rien ne te dérange. Tes yeux d’un bleu ciel, continuent à scruter la rue sans que tu fermes tes paupières. Tu attends depuis plusieurs heures, quelque chose d’inconnu pour te réveiller. Tu es confuse. Perdue. Seule. Solitude. Tristesse. Tu sens un vent frais te caresser le visage. Tu écoutes le chant de l’oiseau jaune des voisins.
Tu es dans la cuisine. Tu prépares à manger.Tu coupes les légumes. Tu te blesses la main. Du sang coule partout dans la cuisine, le sang est aussi rouge que les tomates. Tu sens un mal terrible au bout de ton doigt. Tu cognes ta tête contre un placard. Tu as le vertige, la tête qui tourne, tu vacilles, tu as des maux au ventre. Tu tombes par terre.
Engourdie, mains lourdes, pieds légers, tu t’écroules comme un château de carte.

Medmori Hebad

Remnaf Zemaf : un lieu où j'ai dormi

C’était à Saïda, une ville du sud du Liban, mon pays, en plein été sur le bord de la mer. Vous diriez que c’est de la pure veine, et bien oui, surtout en pleine guerre, avec des moustiques qui larguent des bombes sur les têtes des habitants, et des canots qui te lancent des obus dans la figure. Le son des bombardements tout proches, qui sifflotent diablement, à faire hérisser les poils, puis un simple dégringolemment d’immeubles, fussent-ils petits ou grands, même immenses, ça n’a pas d’importance pour l’ennemi… Enfermé avec mes cousins dans un petit appartement, tous les cinq nous nous étions enfuis de nos maisons, à Nabatieh, laissant nos parents derrière nous… Je me rappelle bien que j’ai dormi près de la fenêtre ; c’est depuis ce jour-là que je le fais, jusqu’à aujourd’hui, à côté de ce radiateur blanc, tout sale, sous ce ventilateur qui ne se trouvait que pour nous taquiner : l’électricité coupée, et la température dans les 39 degrés Celsius, on en puait, tout notre corps transpirait ; on ouvre la fenêtre et de la poussière entre dans nos narines, on suffoque à en mourir… nous arrivons enfin à nous endormir quand l’ennemi prend une pause pipi, mais pas tous…
Je passe la nuit à regarder l’armoire devant moi, je parviens même à distinguer une déchirure dans son papier peint, je baisse les yeux vers ma chemise de nuit avec un superman dessus, et je me demande s’il aide les autres, loin dans le sud.
Le sommeil parvient à me mettre debout pour me prendre dans son royaume, au fin fond du ciel, mais un « rrrrrronnn » me coupe les pieds et traverse mon coeur plus vite qu’une flèche, avec un petit malaise aux muscles du ventre contractés comme un chat devant un labrador. Mais cette fois je m’aperçois que le son venait du côté de mon cousin, c’est à n’en pas finir cette nuit…

samedi 21 avril 2007

Jabs : tu

Tu es dans la chambre. Tu attends impatiemment ton mari. Tu te fais belle, tu vérifies, à chaque coin de ton visage, si tu as bien mis ton rouge à lèvres de couleur rouge vif, s’il ne déborde pas ; tu vérifies une 5ème et dernière fois si tes boutons, après que tu leur as mis du fond de teint, apparaissent toujours. Tu rajoutes à nouveau du mascara sur tes yeux, pour ressembler à une reine devant ses esclaves et qui obtient tout ce qu’elle demande. Tu penses à la robe rose tachée aux couleurs de l’arc en ciel et qui t’allait à merveille. Tu veux l’acheter après avoir amadoué ton amour unique et ton avenir lointain. Tu arranges ton lit plusieurs fois à cause de la nervosité qui te démange le corps, et ton impatience qui te rend encore plus nerveuse, à te mordre la peau. Tout d’un coup tu entends la serrure de la porte qui fait « clac, clac….. » et te rend sourde. Ton mari monte l’escalier tout doucement et t’assourdit. Le voilà qui arrive à la porte de ta chambre, bien habillé, avec un costume tout neuf et son odeur qui arrive jusqu’à ton nez, odeur d’un goût sucré. Tu restes sans dire aucun mot, tu es surprise et tu retombes dans l’amour perdu. Et le voilà, qui te saute dessus avec une joie jamais vue auparavant, en criant « j’ai obtenu une augmentation » et là tu te rassures. Là tu oublies la robe que tu as vue dans le magasin du voisin, et tu penses à la belle robe noire que tu as vue sur la route principale, mais qui était très chère. Tu as une sensation très forte qui t’arrive jusqu'au bout du nez. Tu te dis aussi qu’aujourd’hui ce sera une nuit pleine de câlins, d’amour, de bisous, qui t’enflamment de l’intérieur et te donnent en plus une sensation d’amour.

Adada Ghibarn : tu

Jeune. Beau. Brillant. Tu caches un secret derrière les mers de tes yeux et le calme de tes lèvres. Souvent, sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne, au coucher du soleil, tu t’assieds, puis tu t’allonges sur l’herbe ; tu sens une odeur envoûtante, une odeur qui te rend vivant.

Tu es triste, perdu, tu sens que la vie n’a plus de sens depuis que Julienne t’a laissé. Tu veux parler mais tu ne peux pas. Tu veux crier, mais tu sens que quelqu’un t’étrangle… tu voudrais parler, avouer tes sentiments, mais tu ne peux pas. Finalement, tu prends ton cahier, ton crayon et tu écris, tu gribouilles, tu sens que comme ça tous tes problèmes, toutes tes histoires seront pour toi. Julienne te manque beaucoup, tu ne peux pas l’oublier. Tu penses que depuis que Julienne t’a quitté, tu es mort, la tristesse a pris place dans ton cœur, tu veux que tout le monde te quitte, tu veux rester seul, parler avec les étoiles de la nuit, discuter avec la lune et arroser les fleurs avec tes larmes.

Chaque nuit tu te promènes dans la rue, la nuit, tu rêves …Tu veux être avec Julienne, tu veux être entouré de tes enfants, ils t’appellent, tu réponds. Tu es content comme ça et tu veux vivre comme ça !

Salas Ya Hussein : tu

Tes yeux brillent ; des larmes s’en écoulent sans arrêt. Ton visage est noyé dans des larmes. Ta tristesse t’étrangle tous les jours, tu penses à ton fils qui est à l’hôpital, à ton mari qui t’a quitté. Tu penses à fuir, à ne plus revenir peut-être. Mais tu n’arriveras jamais dans un monde sans cœur et sans pitié.

Tes doigts longs, caressent les touches du piano ; tu espères que la musique entrera dans tes oreilles vers le cœur, et transformera cette tristesse en bonheur infini. Tes lèvres brillantes s’ouvrent, couvertes de salive, et commencent à chanter. Ta voix chancelante, étouffée, sort. Dehors, les fleurs la bercent entre leurs bras, les arbres se balancent, contents aussi, les papillons s’envolent dans la liberté.

Tu regardes à travers la fenêtre, tu penses toujours à ton fils qui est en train de s’ouvrir. Malheureusement, cette tristesse se fixe de plus on plus dans ton cœur, dans ton esprit, s’y stabilise.

Soudain tout s’éteint, ta voix chancelante disparaît, tu tombes par terre. Les fleurs, les arbres les papillons perdent ta voix, la vie et l’espoir.

Consignes

  • "Un homme" ou "une femme" : portrait d'un homme ou d'une femme qui compte, en reprenant à Claude Simon (Les Géorgiques) le principe d'un "il" ou d'un "elle" associé au présent, sans souci de chronologie : restituer plutôt dans l'ordre que nous livre la mémoire ou la concentration, livrer une série de faits et gestes suspendus dans le temps de cette personne devenant personnage.

  • "Celui qui / celle qui" : à partir du chant IV d'Exil de Saint-John Perse, inventorier ceux qui comptent dans sa propre généalogie, en une seule phrase où l'on dit ce qui chez eux retient.

  • "Tu" : à partir du prologue de Lambeaux de Charles Juliet : à travers un "tu" et le présent, essayer de saisir ou reconstruire l'attitude, la présence au monde, les pensées, en plusieurs scènes (lieux et instants précis), d'une personne qui nous importe mais nous est difficilement accessible.

  • "Lieux où l'on a dormi" : à partir d' Espèces d'espaces de Georges Perec : inentaire des lieux où l'on a dormi, avec développements possibles de détails...
Pistes développées et explicitées par François bon dans Tous les mots sont adultes.