jeudi 26 avril 2007

Mc lili : tu

Tu es là, assise sur ta chaise roulante. Tes mains tremblent comme deux feuilles mortes en automne. Tu regardes le monde autour de toi, mais tu ne vois que l’obscurité qui t’entoure, la froideur des nuits sombres qui ont enlevé la joie qu’on trouvait chez toi, et effacé le sourire qu’on avait l’habitude de voir sur tes lèvres. Maintenant, te voilà seule, en train de te demander pourquoi ils t’ont abandonnée malgré toute la tendresse et tout l’amour que tu leur avais offert. Tu as appris maintenant qu’ici personne ne mérite la moindre petite attention. Tu rêves du jour où tu trouveras la clé cachée, où une nouvelle route apparaîtra, une nouvelle vie, un monde dans lequel tu vivras en paix, où le soleil ne cesse de briller, et où toi seule règneras et deviendras la reine de ce royaume immense. À chaque battement de ton cœur, tu te dis : « voilà une seconde de ma vie qui est déjà passée ».Tu es toujours désespérée, et tu attends toujours avec impatience le jour où tu vas nous quitter. Les jolis mots ne savent plus sortir de ta gorge, tu es tellement déçue et triste que tu ne veux même plus parler et discuter. Tu n’oses plus rencontrer quelqu’un, tu es effrayée qu’encore une fois ils te trahissent. Maintenant tu n’as qu’une seule idée en tête, c’est que tu as envie de t’isoler pour toujours, et que plus personne ne te demande plus rien.
Cette fois-ci, tu es allongée. Tes yeux noirs sont refermés, ton corps est bleu et glacé, ton cœur épuisé s’est laissé emporter et a cessé de fonctionner. Ta tristesse commence à s’envoler et ta joie est en train de réapparaître. Tu es pressée d’y arriver, là bas, à l’endroit dont tu as toujours rêvé. C’est là que ton sourire se redessine sur tes lèvres. Maintenant tu as trouvé la clé que tu recherchais depuis plusieurs années. C’est ainsi que tu plonges dans un sommeil éternel.

Je ne te revois plus jamais.

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Consignes

  • "Un homme" ou "une femme" : portrait d'un homme ou d'une femme qui compte, en reprenant à Claude Simon (Les Géorgiques) le principe d'un "il" ou d'un "elle" associé au présent, sans souci de chronologie : restituer plutôt dans l'ordre que nous livre la mémoire ou la concentration, livrer une série de faits et gestes suspendus dans le temps de cette personne devenant personnage.

  • "Celui qui / celle qui" : à partir du chant IV d'Exil de Saint-John Perse, inventorier ceux qui comptent dans sa propre généalogie, en une seule phrase où l'on dit ce qui chez eux retient.

  • "Tu" : à partir du prologue de Lambeaux de Charles Juliet : à travers un "tu" et le présent, essayer de saisir ou reconstruire l'attitude, la présence au monde, les pensées, en plusieurs scènes (lieux et instants précis), d'une personne qui nous importe mais nous est difficilement accessible.

  • "Lieux où l'on a dormi" : à partir d' Espèces d'espaces de Georges Perec : inentaire des lieux où l'on a dormi, avec développements possibles de détails...
Pistes développées et explicitées par François bon dans Tous les mots sont adultes.